Comment une famille bien sous tous rapports, une famille qu’on envie, que très certainement leurs voisins envient, peut basculer en un battement de cil, dans la tragédie puis dans l’horreur totale ?
L’auteure alterne les narrateurs qui, à tour de rôle, donnent leur point de vue. On entre dans l’intimité de chacun des membres de cette famille. Ils nous apprennent non seulement comment ils perçoivent les autres membres de la fratrie, les parents mais aussi comment ils se perçoivent, se situe eux-mêmes, ce qu’ils ressentent et leur pensée les plus secrètes. Nous devenons lecteur omniscient, témoin de l’engrenage des événements et impuissant, ne pouvant intervenir aucunement dans ce que nous sentons venir inexorablement. On se prend parfois à vouloir secouer l’un ou l’autre des personnages, à vouloir le prendre par la main pour le remettre dans ce qui nous parait la bonne direction.
La faute au requin ? Non certainement pas ce serait trop facile. Mais sans le requin est-ce que tout cela serait arrivé ? Le requin est l’élément déclenchant, certes pourtant il est fort probable qu’à un moment ou un autre tout aurait basculé, cela aurait sans doute mis plus de temps mais cela aurait basculé, inexorablement. Ysé ressent depuis toujours cette fêlure, elle est sur le fil suspendue entre normalité et monstruosité. Et après tout pourquoi ne pas faire comme Mylène cette mère de famille qui couve ses fils sans se poser de questions, sans se poser les bonnes questions parce qu’elle les idolâtre, surtout Thadée. Mais quand le monde tel qu’elle le voyait s’effondre, elle s’enfonce dans la démence, enfermée dans l’idolâtrie de son fils aîné. Une famille papier glacé. Le père pharmacien, la mère a fait pharmacie, elle aussi mais elle a préféré rester au foyer à s’occuper de ses magnifiques enfants. Les garçons Thadée et Zachée et la petite dernière Ysé. Les garçons sont grands et beaux, brillants aussi, des fils magnifiques que tout le monde envie. Plus que tout Mylène préfère l’aîné, Thadée, qu’elle idolâtre littéralement. Des fils si beaux qu’on en oublierait presque Ysée, la petite dernière qui survit dans son coin, à collectionner des bestioles et insectes bizarres et qui observe.
Les garçons font du surf, il faut dire qu’ils habitent Biarritz alors forcément ! Thadée a décidé de faire un break dans ses études, il faut dire qu’il n’a pas intégré les grandes écoles qui, d’après sa mère, lui tendaient les bras. Pourtant les bulletins de notes que Thadée transmet à ses parents sont dithyrambiques. Enfin, Thadée, pour son break, est parti à la Réunion pour perfectionner sa technique de surf ; Son frère Zachée l’a rejoint. Mais catastrophe alors que les deux frères ont décidé de rentrer ensemble, Thalée s’offre une dernière session et se fait happer la jambe par un requin. Il faut hélas l’amputer. Comment ce garçon considéré par sa mère comme un demi-dieu va –t-il réagir et comment va-t-il accepter la comparaison avec ce frère qui jusque-là n’était que le second et qui, lui, peut toujours mener la vie sportive e dorée qui était la leur avant l’accident. C’est là que les masques vont tomber. Qui sont-ils ces personnages bien sous tous rapports, cela fait froid dans le dos ; l’accident n’est que le début de l’horreur.
Les garçons de l’été de Rebecca Lighieri aux éditions « Folio »