Le maire de Honfleur rend hommage à la reine Elizabeth II

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@Honfleurinfos : Le maire de Honfleur accueillant sa majesté la reine... Crédit photo, Ville de Honfleur

Dans un long communiqué, le maire de Honfleur, Michel Lamarre a souhaité rendre hommage à la reine Elizabeth II, décédée ce jeudi 8 Septembre. Un hommage dans lequel, le premier magistrat de la ville rappelle combien il avait été ému en l’accueillant dans sa ville, c’était le lundi 7 Juin 2004.

« Jusqu’à l’âge de 7 ans, j’ai cru que les rois et les reines n’existaient que dans les contes de fée, dans les livres pour enfants, et je suis tombé par hasard sur un magazine « people », sur la couverture duquel était représentée la Reine Elizabeth II. Là j’ai su que les rois et les reines existaient dans la « vraie » vie et que ce pouvait être autre chose qu’un conte de fée, une histoire ou un rêve. Pour moi, c’était magique, et j’ai gardé longtemps, dans mon cartable d’écolier, ce magazine avec la Reine Elizabeth II en couverture, en me disant que peut-être un jour je la rencontrerais « en vrai ». Je ne savais pas que les rêves, quand on y croit très fort, peuvent se réaliser.
Puis, comme nous tous, au fil des années, via la télévision, les journaux, la Reine nous est devenue un personnage familier. Et même si nous ne sommes pas Britanniques, elle est quelque part la Reine des habitants de cette planète. En effet, lorsqu’on prononce ces deux mots « La Reine », dans quelque phrase que ce soit, pour illustrer un propos, un exemple, on pense tout de suite à Elizabeth II. Par sa longévité et son règne de plus de 70 ans sur la Grande-Bretagne et plusieurs pays du Commonwealth, elle est certainement devenue le personnage le plus populaire au monde, la plus médiatisée, figurant sur de nombreux objets : des tasses, des assiettes, dans la Culture en général, des films, des chansons, des livres …
La Reine Elizabeth II appartient au monde entier. C’est une Reine planétaire qui dépasse largement les frontières de la Grande-Bretagne. Avec le temps, elle est devenue un exemple pour beaucoup de gens, avec une grande simplicité, finalement sans jamais donner de leçons, sans jamais beaucoup prendre la parole. Mais par son attitude devant les événements, jour après jour, traversant les tempêtes et les difficultés du monde, cette petite femme à l’apparence frêle, presque fragile, était en réalité un roc.
Elle incarnait l’abnégation, le courage, la volonté, la continuité, les traditions. Elle était, dans un monde qui bouge, qui souvent s’énerve ou s’affole, le symbole de la stabilité et de la sagesse, une sorte de phare auquel on pouvait à chaque instant se référer, penser et prendre pour exemple. Elle a traversé des moments, en tant que Chef d’Etat ou au niveau personnel et familial, difficiles. Elle a perdu des êtres qu’elle aimait. Elle a fait face aux critiques, à la méchanceté, mais elle ne s’est jamais plainte et elle a continué son chemin.
Comme elle l’avait dit dans sa prime jeunesse « Que mon règne soit court ou long, je m’engage à vous servir jusqu’à la fin » ; c’est ce qu’elle a fait. Mardi dernier, deux jours avant de mourir, grâce à sa force, à sa volonté, à son courage, elle a tenu cette promesse, debout, fragile, mais toujours là. De façon extraordinaire, elle a fait face à ses obligations, à son devoir, en recevant, souriante, affable, la nouvelle Première Ministre. C’était la dernière image publique d’Elizabeth II qui nous laissait loin de penser qu’il ne lui restait plus que deux jours à vivre, car dans l’inconscient elle était devenue immortelle.
Je ne savais pas qu’un jour, j’aurais l’honneur et le privilège, de la recevoir au nom des Honfleurais. Le lundi 7 juin 2004, lors d’une visite privée, elle avait émis le souhait de venir à Honfleur et de déjeuner dans le restaurant du Vieux-Honfleur, tenu par Monsieur Pierre Villey, avec une petite délégation. Plusieurs jours à l’avance, on m’avait prévenu de sa venue, et je dois dire que j’ai cru que c’était une plaisanterie, un canular. Je n’y ai pas cru, mais quand les services de la Préfecture m’ont saisi officiellement de cette venue, j’ai fini par  y croire, et à partir de là, les autorités m’ont donné une sorte de fiche protocolaire de ce qu’il ne fallait pas faire et de ce qu’il fallait faire. J’avoue que ça me paraissait très compliqué et que jusqu’au dernier moment, je révisais ce qu’il fallait faire ou ne pas faire, mais finalement, le jour est arrivé, et afin d’être à l’aise, j’ai décidé d’être naturel et d’accueillir la Reine avec, bien sûr, beaucoup de respect et de simplicité. Lorsque je l’ai vue arriver vers moi, souriante, détendue, me tendre la main, j’ai eu l’impression d’approcher une personne que je connaissais depuis toujours, depuis l’enfance, un être familier. Sa visite a été extrêmement agréable.
Ce jour-là, elle portait une tenue toute simple pour cette visite privée, et n’avait pas de chapeau, ce qui était rare. Véritable reine de la communication, elle disait : « Il faut que les gens me voient pour me croire ». Elle était devenue une icône, avec ses chapeaux et ses tenues de couleurs vives.
Ce qui m’a marqué, c’était ses yeux et son regard. Elle savait tout de suite à qui elle avait à faire et sa garde du corps en sortant, m’a dit que la Reine avait su tout de suite que je l’aimais beaucoup. Nous avons visité le musée du Vieux-Honfleur ensemble. Elle savait que c’était l’un de ses prédécesseurs, le Roi Henri VI qui avait agrandi cette église, et je lui ai dit que les Honfleurais avaient terminé les travaux. Elle a souri et puis en regardant les tableaux qui représentaient des scènes de travail dur, notamment un tableau avec les moulières, elle m’a dit qu’elle était en admiration devant ces générations qui travaillaient si dur pour gagner si peu. On a échangé quelques anecdotes sur son rôle de Reine Je lui ai même demandé des conseils. Je puis témoigner qu’elle avait beaucoup d’humour, de charme et d’élégance.
Lors de notre rencontre, j’avais appris à formuler en anglais la phrase « Votre Majesté, je m’excuse de ne pas bien parler votre langue ». Elle m’a répondu, dans un français parfait, « ça tombe bien, le protocole veut que, quand c’est possible, le souverain parle la langue du pays qu’il visite ». Je lui ai dit que c’était un très bon protocole. Elle a souri. Nous avons passé un excellent moment. Je lui ai parlé de Honfleur, de notre histoire, des habitants, puis, à la fin, je lui ai offert une aquarelle de la Lieutenance et du Vieux-Bassin et un bouquet de fleurs. Elle a été touchée et m’a dit que ce tableau serait installé dans ses appartements privés du Palais de Buckingham. Je lui ai dit que les Honfleurais seraient très touchés de cette attention. Elle m’a dit que lorsqu’elle la regarderait, elle penserait à Honfleur.
Les services de sécurité m’avaient fait promettre de n’avertir personne, car la Reine était en visite privée. Avant de quitter l’église Saint-Etienne, j’apprends que plusieurs dizaines de personnes s’étaient amassées devant l’église. Du fait des commémorations du 6 juin, il y avait beaucoup d’Anglais dans la ville. La Reine savait que les Anglais aimaient beaucoup Honfleur et la Normandie. Je me suis approché de son oreille pour lui dire que nous n’étions pour rien dans la venue de tous ces gens, que malgré sa demande de discrétion, beaucoup de personnes attendaient à l’extérieur .. Elle m’a répondu, toujours avec humour « Ne vous inquiétez pas Monsieur le Maire, je m’en doute. C’est toujours comme cela ». Elle a souri et m’a dit « J’ai l’habitude depuis très longtemps ».
Elle m’a demandé d’ouvrir les portes. Là nous avons vu la foule qui criait « Vive la Reine », et notamment des Honfleurais. Il y avait là également bien sûr beaucoup d’Anglais qui avaient appris la nouvelle, au premier rang desquels, de jeunes enfants, bouquets de fleurs à la main, faisant la révérence. J’ai compris une chose en étant juste à côté d’elle. Dans le regard des Anglais, ce n’était pas une personne qui s’avançait vers eux pour les saluer, c’était l’Angleterre, l’Angleterre en chair et en os, l’Angleterre qui avait revêtu l’aspect d’une personne : Elizabeth II.
Son abnégation totale pour son pays et son peuple, son engagement, les décennies de représentation l’avaient transformée en représentation d’une nation, et avec le temps, elle était devenue une référence, la Reine, pour tout un chacun, au niveau planétaire.
Je garde en mémoire cette journée extraordinaire. Il me reste quelques photos, mais surtout le souvenir d’une rencontre exceptionnelle. Elizabeth II est un exemple.
J’adresse à tous les habitants de la Grande-Bretagne qui vivent dans notre ville, dans notre canton, notre région, mes sincères condoléances. Je comprends et partage sincèrement leur tristesse. Il y a des personnages qui, dans le monde d’aujourd’hui, sont tellement rares et rassurants que lorsqu’ils partent, ils laissent un vide. A Balmoral, la pluie s’est invitée pour illustrer la tristesse des Britanniques.
J’espère qu’Elizabeth II repose en paix. Elle a rejoint le Prince Philippe et tous les siens.
C’est une page de l’Histoire du monde qui se tourne, un monument du patrimoine humain qui tire sa révérence. Elle va nous manquer ».

Michel LAMARRE
Maire de Honfleur
Vice-Président du Conseil Départemental

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